En 1842, George Duncan , négociant en vins et spiritueux, fonde William Cadenhead Ltd à Aberdeen, ville portuaire du Nord-Ouest de l’Écosse. William Cadenhead, son beau-frère, rejoint l’entreprise puis, à la mort de George Duncan, prend les rênes en 1858 et la rebaptisa à son nom, comme il était courant de le faire à l’époque. Si nous ne connaissons que peu de choses à propos de George Duncan, il y a en revanche plus à dire sur William Cadenhead.
Né en 1819, William Cadenhead commença à travailler très jeune dans une petite usine textile à Aberdeen appartenant à Jonny Garrow. Ayant une affection particulière pour son jeune employé, Jonny Garrow fit venir son protégé pour travailler avec lui dans une entreprise de Liverpool lorsqu’il cessa son activité à Aberdeen. En 1853, William Cadenhead revint à Aberdeen, rejoignit George Duncan et voyagea afin de développer l’entreprise familiale jusqu’en 1858. En plus d’être un négociant talentueux doublé d’un citoyen respecté, William Cadenhead se fit connaître également en tant que poète. Un recueil de poèmes intitulé Ingatherings sera par ailleurs publié un an après sa mort, en 1905.
À la fin de 1904, le décès de William Cadenhead propulsa son neveu, Robert W. Duthie, à la tête de l’entreprise qui se spécialisa dans l’embouteillage de scotch whisky et de rhums Demerara. Le nouveau gérant poursuivit également le développement des marques de blend appartenant à Cadenhead comme Putachieside ou The Hielanman. Cependant, le krach de 1929 provoqua la « grande dépression » et William Cadenhead Ltd se trouva alors dans une situation financière très difficile. La mort de Robert W. Duthie dans un accident de tramway n’arrangea pas les affaires puisque l’entreprise passa aux mains de ses sœurs qui n’étaient pas spécialistes du commerce de vins et spiritueux.
C’est à Ann Oliver, employée de longue date, qu’est alors confiée la responsabilité de mener à bien les affaires familiales. Elle dirigea la société de manière peu conventionnelle et, malgré des débuts plutôt prometteurs, elle rencontra des difficultés dans les années 1960 à cause d’une gestion administrative hasardeuse. Ses décisions stratégiques malencontreuses conduisirent à l’organisation d’une vente aux enchères chez Christie’s en 1972 pour renflouer les caisses de la société. Cette dernière est restée dans les mémoires comme la plus grande vente aux enchères de vins et spiritueux réalisée jusque-là en Grande-Bretagne.
William Cadenhead Ltd fut ensuite vendu à J. & A. Mitchell and Co, propriétaire de la distillerie Springbank. Hedley G. Wright, descendant direct d’Archibald et John Mitchell, devint ainsi président de William Cadenhead Ltd. Au début des années 1970, une pénurie de bouteilles en verre posa de sérieux problèmes à l’industrie du whisky. C’est aussi la raison pour laquelle Hedley G. Wright vit dans l’acquisition de Cadenhead un placement stratégique. En plus d’un négociant de renom, J. & A. Mitchell and Co mettait la main sur un stock de bouteilles conséquent. Cependant, après l’acquisition, les bouteilles n’arrivèrent jamais et personne ne sut ce qu’elles devinrent.
Par le passé, Cadenhead vendait plutôt ses propres marques comme Putachieside, The Hielanman, Seven Stars ou les rhums Green Label. Avec Hedley G. Wright à sa tête, Cadenhead se spécialisa progressivement dans les single malts. Ainsi, c’est en 1977 que fut créée la mythique collection des « Dumpy Bottles ». Cette série de single malts avait la particularité d’être embouteillée avec une très légère filtration, sans colorant artificiel et à un degré assez élevé pour l’époque (80 proof, 45,7 %). Elle sera embouteillée brut de fût uniquement pour les versions sorties entre 1989 et 1991, dernière année de la série. L’étiquette affichait de multiples détails tels que le mois et l’année de distillation et d’embouteillage ainsi que l’utilisation ou non de fût de sherry. Détail amusant, les étiquettes déclinent autant de typographies qu’il y avait alors de distilleries en Écosse ! Elles pouvaient ainsi aller du celtique au gothique en passant par le rétrofuturisme. On estime que cette série comprend environ 400 embouteillages, aujourd’hui très recherchés par les collectionneurs.
Toujours en 1977, l’entreprise s’installa à une autre adresse à Aberdeen puis déménagea finalement à Campbeltown. Le but était de centraliser les différentes affaires de J. & A. Mitchell and Co mais aussi de promouvoir à nouveau Campbeltown comme région importante du whisky écossais.
Cadenhead vendait également des fûts à des embouteilleurs mythiques comme Samaroli ou Corti Brothers dans les années 1980 via une filiale, Duthie’s. De nombreux whiskies de légende ont été sélectionnés chez Cadenhead parmi lesquels nous pouvons citer Clynelish 21 ans 86 US Proof 1965-1986 par Corti Brothers ou Glen Garioch Coilltean 1975-1987, 57 % par Samaroli.
Embouteilleur précurseur dans l’univers des rhums et plus particulièrement des rhums Demerara, on trouve dans l’histoire de Cadenhead de nombreux rhums provenant du Guyana distillés entre les années 1960 et 1970. Il existe même une version millésimée de 1939 ! Au-delà d’embouteiller des rhums à une époque où personne ne s’y intéressait, Cadenhead communiquait des informations inédites sur ses étiquettes en précisant les fameux « marks ». Ce qui aujourd’hui semble une évidence ne l’était pas forcément dans les années 1990.
Enfin, deux nouvelles gammes de whiskies furent créées en 1991 et 1992, la série « Original Collection » embouteillée à 46 % et « Authentic Collection » au degré naturel. D’autres séries spéciales pour fêter les anniversaires emblématiques de Cadenhead (150 ans et 175 ans) ainsi que de nouvelles gammes (Small Batch, World Whiskies…) lancées depuis, font de Cadenhead et Hedley G. Wright un acteur incontournable du whisky écossais.
Le Glenlivet 19 ans dégusté ici fait partie de la fameuse série des « Dumpy Bottles ». Il s’agit même de l’un des tout premiers de cette collection. Il a donc été distillé dans la seconde moitié des années 1950.
Couleur : Ambre.
Nez : Il s’ouvre sur des notes pâtissières (crème anglaise) et de fruits secs (pruneau d’Agen, datte). On sent le côté poussiéreux des whiskies restés longtemps en bouteille. On est dans un pur sherry « old style » avec des notes de cuir, du tabac et un peu de résine de pin. Enfin, de jolies notes de citron confit permettent de conserver de l’acidité et de la fraîcheur.
Bouche : Assez nerveuse. Les oranges confites ouvrent le bal et sont suivies par des raisins secs et des prunes. On a l’impression de déguster un très vieil armagnac par moments. Du chocolat noir couplé à des notes terreuses donnent de la profondeur et une belle amertume. Enfin, un mélange de figue séchée, de miel et de clou de girofle rend cette fin de bouche gourmande à souhait.
Finale : À nouveau du tabac ainsi que de très belles épices (poivre blanc, gingembre, safran). Du cuir et un côté cireux complètent le tableau avant que de superbes notes réglissées viennent clore la dégustation.