La carrière du célèbre embouteilleur italien Silvano Samaroli commence en 1968, à Rome. Il devient l’importateur en Italie des whiskies de John McEwen & Co, à savoir des blends Chequer’s et Abbot’s Choice ainsi que de Linkwood puis de Glen Garioch. Au milieu des années 1970, il réalise ses premiers embouteillages, sous l’influence d’Edoardo Giaccone pour qui il importe un Linkwood 1957. Après une visite de la distillerie Bruichladdich, il sélectionne deux 10 ans, distillés en 1965, qu’il embouteille bruts de fût.
Samaroli apprend les ficelles du métier auprès de Cadenhead et se rend régulièrement en Écosse pour sélectionner des fûts. C’est d’ailleurs à la filiale de Cadenhead R.W. Duthies qu’il fait appel pour l’embouteillage de ses fûts à partir des années 1980, jusqu’à la décennie suivante où ce partenariat cesse, le négociant préférant garder ses fûts. On retrouve ainsi les bouteilles dumpy de Cadenhead dans une série réalisée par Samaroli en 1979. Cadenhead ayant déjà un importateur en Italie (Mario Rossi), les étiquettes doivent être refaites, ce dont se charge Silvano Samaroli en choisissant des aquarelles représentant la vie des distilleries écossaises. Il conserve cette habitude de concevoir lui-même les étiquettes. C’est également de cette période que datent deux embouteillages légendaires : le Glen Garioch 8 ans 1971 et le Springbank 12 ans.
Suivent d’autres séries comme les mystérieux Glen Cawdor, un nom emprunté au château d’Hamlet dans la célèbre pièce de Shakespeare. L’origine des whiskies n’est pas connue, même s’il est de notoriété publique que la gamme compte plusieurs Springbank dont un remarquable 1919 tiré à seulement quatre bouteilles. Mais les embouteillages les plus marquants de cette période sont sans conteste le Laphroaig 15 ans 1967 en fût de sherry et le Bowmore 18 ans 1966 Bouquet, probablement les deux bouteilles les plus recherchées de Samaroli.
Silvano Samaroli et certains de ses plus beaux embouteillages. De gauche à droite : Laphroaig 1967, Springbank 12 ans, Tormore 1966
Samaroli s’est également illustré avec de nombreux embouteillages de Longrow, un whisky qu’il appréciait beaucoup au point d’acheter une centaine de fûts du millésimes 1987, soit la moitié de la production de cette année-là. Glen Garioch a aussi ses faveurs : il embouteille une partie de ses fûts de 1975 dans la série Coilltean, sans mentionner la distillerie pour les écouler plus facilement, tant il en a acheté. Pour les plus curieux, un inventaire complet de ses embouteillages est publié dans le livre Collecting Scotch Whisky d’Emmanuel Dron. Signalons par ailleurs que Samaroli a aussi embouteillé quelques cognacs et des rhums dont un West Indies Dark Rum de 1948 resté dans la légende.
La qualité des embouteillages de Samaroli tient aussi, au-delà de l’excellence de la sélection, à sa vision personnelle du whisky et de son métier. La plupart de ses whiskies sont tirés d’un seul ou de quelques fûts soigneusement sélectionnés, mis en bouteille au degré naturel, sans coloration ni filtration. Son travail novateur en matière de design d’étiquettes a également fait école. Il a enfin fait figure de mentor pour d’autres grands noms du whisky en Italie, comme Pepi Mongiardino, le fondateur de Moon Import.
Depuis 2008, l’entreprise est gérée par Antonio Bleve, devenu aussi propriétaire de la marque. Silvano continue en parallèle d’embouteiller des fûts dans la gamme Singles of Silvano Samaroli. Après son décès en 2017, Maryse Accorsi Samaroli, son épouse, poursuit ce travail avec sa propre marque : Masam, contraction de son prénom et de son nom.
57,1%, 75 cl
2 400 bouteilles
Les grands whiskies de Samaroli sont souvent d’une complexité vertigineuse. C’est le cas de ce Springbank où domine un caractère cireux, une myriade de fruits (mirabelle, abricot, ananas, raisins de Corinthe) et d’agrumes (orange, kumquat). S’y ajoutent des notes fumées, médicinales et herbacées. Le fût de sherry apporte quant à lui des notes de fruits à coque, de café, d’épices, de vinaigre balsamique et de viande séchée. Un whisky imposant, avec lequel on peut passer des heures sans se lasser de ce qu’il a à dire.
59,6%, 75 cl
2 280 bouteilles
Il en va de même avec ce Glen Garioch d’une maturité insolente pour un whisky si jeune. La première chose qui frappe le dégustateur est certainement la tourbe, d’une finesse rare, entre ses aspects boisés et marins. Le sherry est, lui aussi, d’une suprême élégance avec des notes de café, de toffee et de fruits cuits. On remarque enfin des notes viandées, presque giboyeuses, et épicées pour ne pas dire pimentées qui donnent encore à ce whisky aussi puissant que fin une facette supplémentaire. Il n’en manquait déjà pas.