Dans les années 1980, à Édimbourg, Andrew Symington occupe le poste de directeur adjoint du Prestonfield House, un hôtel cinq étoiles aménagé dans un manoir construit en 1687 par l’architecte Sir William Bruce pour James Dick, Lord Provost de la ville. James Dick avait acheté le domaine de Priestfield en 1671 mais cette demeure est réduite en cendres pendant les émeutes contre les catholiques de 1681. En 1689, le domaine est rebaptisé Prestonfield pour faire oublier les connotations religieuses du nom d’origine. Les descendants de James Dick préservent cette demeure avant d’en faire un hôtel dans les années 1960.
Le Prestonfield House Hotel
Des personnalités comme Winston Churchill, Margaret Thatcher, Sean Connery et Elton John y dînent ou y séjournent. De nombreux acteurs de l’industrie du whisky y reçoivent leurs clients et le bar de l’hôtel dispose d’une impressionnante sélection de whiskies de malt. Andrew Symington se prend au jeu et commence à sélectionner des fûts spécialement pour l’hôtel, embouteillés sous le label Prestonfield. On peut notamment citer un Bowmore 1965 et deux Springbank 1967, tous embouteillés en 1987.
En 1988, Andrew Symington quitte Prestonfield House pour devenir embouteilleur indépendant. Il installe une petite chaîne d’embouteillage dans ses entrepôts à Édimbourg et fonde Signatory Vintage, un négociant qui s’impose rapidement comme un acteur de premier plan aux côtés des grandes maisons historiques comme Gordon & MacPhail ou Cadenhead. Signatory Vintage se distingue notamment par son refus de la coloration artificielle et de la filtration à froid, par un goût pour les embouteillages brut de fût et par ses étiquettes. Le whisky de malt est encore confidentiel mais le vent est en train de tourner : la même année, United Distillers lance les Classic Malts, une gamme de single malts promise à un grand succès.
Signatory Vintage achète le droit d’utiliser le nom de l’hôtel pour sa gamme et les étiquettes. Les whiskies sont embouteillés par The Prestonfield Whisky Co. Ltd. Signatory Vintage n’est pas mentionné sur l’étiquette. La gamme compte trois étiquettes différentes : avec un ruban coloré ; avec une gravure en noir et blanc de Prestonfield House ; avec un dessin de l’hôtel en couleur et un paon. Il existe également de nombreuses mignonnettes et quelques éditions en carafes en cristal ornées d’une gravure semblable au dessin des étiquettes en couleur. Certains embouteillages sont réduits à 40 %, 43 % ou 46 %, d’autres sont brut de fût. Bref, tout l’art d’Andrew Symington est déjà dans Prestonfield.
La gamme s’achève en 2011 avec un Glen Scotia 1977 embouteillé pour La Maison du Whisky. Si plusieurs gammes de Signatory Vintage sont restées dans les mémoires, Prestonfield se distingue autant par la qualité de ses whiskies – pour la plupart distillés dans les années 1960 et 1970 – que par ses liens étroits avec les débuts d’Andrew Symington comme embouteilleur indépendant et l’utilisation des codes qui feront la réussite de la maison.
Les paons du domaine de Prestonfield
Liste des embouteillages de la gamme par ordre chronologique
Bowmore 22 ans 1965, 43 %, 75 cl, 1987
Bowmore 21 ans 1966, 43 %, 75 cl, 1987
Springbank 20 ans 1967, 46 %, 75 cl, 1987
Springbank 20 ans 1967, 46 %, 75 cl, 1987
Bowmore 16 ans 1972, 43 %, 75 cl, 1988
Caperdonich 16 ans 1972, 40 %, 75 cl, 1988
Glendronach 18 ans 1970, 43 %, 70 cl, 1988
Balvenie 15 ans 1974, 43 %, 75 cl, 1989
Bruichladdich 20 ans 1969, 43 %, 75 cl, 1989
Glen Keith 22 ans 1967, 46 %, 75 cl, 1989
Tomintoul 18 ans 1971, 40 %, 75 cl, 1989
Glendronach 20 ans 1970, 43 %, 75 cl, 1990
Highland Park 16 ans 1974, 57 %, 75 cl, 1990
Ardbeg 17 ans 1974, 43 %, 70 cl, 1991
Glen Mhor 26 ans 1965, 56 %, 75 cl, 1991
Glenrothes 16 ans 1975, 43 %, 70 cl, 1991
Caol Ila 18 ans 1974, 43 %, 70 cl, 1992
Glenlivet 29 ans 1963, 52,1 %, 70 cl, 1992
Tomatin 26 ans 1966, 43 %, 70 cl, 1992
Glendronach 24 ans 1970, 43 %, 70 cl, 1994
Glenfarclas 24 ans 1970, 43 %, 70 cl, 1994
Longmorn 27 ans 1969, 43 %, 70 cl, 1996
Glendronach 24 ans 1975, 46 %, 70 cl, 1999
Port Ellen 24 ans 1975, 46 %, 70 cl, 1999
Brora 19 ans 1981, 58,8 %, 70 cl, 2000
Bunnahabhain 20 ans 1980, 54,8 %, 70 cl, 2000
Glendronach 23 ans 1976, 46 %, 70 cl, 2000
Caol Ila 28 ans 1974, 46 %, 70 cl, 2002
Bowmore 24 ans 1980, 46 %, 70 cl, 2004
Springbank 34 ans 1970, 51,2 %, 70 cl, 2004
Clynelish 33 ans 1973, 54,3 %, 70 cl, 2006
Clynelish 33 ans 1973, 54,6 %, 70 cl, 2006
North British 45 ans 1962, 59,9 %, 70 cl, 2007
Bowmore 36 ans 1972, 48,8 %, 70 cl, 2008
Ben Nevis 34 ans 1975, 62,6 %, 70 cl, 2009
Ben Nevis 34 ans 1975, 63 %, 70 cl, 2009
Bowmore 20 ans 1990, 50,7 %, 70 cl, 2010
Glen Scotia 33 ans 1977, 49,1 %, 70 cl, 2011
Bowmore 22 ans 1965
43 %, 75 cl
Du haut de ses 43 %, ce Bowmore ne manque pas de complexité. On y trouve les habituelles notes de fruits exotiques (mangue, ananas) mais aussi une myriade d’agrumes (orange amère, pamplemousse, kumquat) et de fruits du verger (abricot, prune). Cette bouteille se distingue aussi par une dimension tertiaire (cuir, café), tourbée et légèrement herbacée qu’on trouve rarement avec une telle intensité dans les Bowmore des années 1960, souvent dominés par le fruit.
Clynelish 33 ans 1973 Prestonfield 1st Release
54,3 %, 70 cl, #8912
405 bouteilles
Un Clynelish marqué par l’exotisme et la présence d’une tourbe qui ne va pas sans rappeler certains Brora. On retrouve aussi les notes de cire d’abeille, de résine et de miel propres à Clynelish. Le whisky est très fruité (orange, citron) et exotique (ananas Victoria, goyave, mangue), des notes nuancées par un caractère plus tertiaire évoquant le tabac et le cuir. On relève enfin des notes de plantes aromatiques (anis, gentiane) et d’épices (gingembre, poivre). Un Clynelish déroutant dont la complexité subjugue celui qui le déguste.