Blanton’s Single Barrel : à l’américaine

STANISLAS KINDROZ 07.02.2024

 

Raconter l’histoire de Blanton’s, c’est parcourir l’histoire du bourbon du début du XXe siècle jusqu’à aujourd’hui. C’est narrer ses moments de grâce et de disgrâce, intimement liés aux évolutions sociétales et culturelles que traversent les États-Unis. Retour sur la saga de Blanton’s et l’invention du premier single barrel américain dont on célèbre les quarante ans cette année.

 

Albert B. Blanton

C’est au colonel Albert Bacon Blanton que le célèbre bourbon doit son nom. Il tenait ce titre honorifique de Kentucky Colonel, non pour avoir servi dans l’armée, mais en récompense des services notables rendus à la communauté, à l’État et à la nation. 

 

Albert B. Blanton naît le 28 février 1881, dans une ferme de tabac située à proximité de la distillerie Buffalo Trace qui se nomme alors O.F.C. Distillery. Son destin rencontre rapidement celui de la distillerie où il entre à l’âge de 16 ans, en 1897, en tant qu’employé de bureau. En 1912, il devient surintendant puis il est promu président de la distillerie, renommée George T. Stagg, en 1921. Albert B. Blanton prend sa retraite officiellement en 1943 mais continue de gérer les affaires de la distillerie jusqu’à son décès en 1959.

 

 

Albert B. Blanton a marqué son passage à la distillerie George T. Stagg par sa ferme détermination et son sens aigu des affaires. Des qualités qui ont permis à la distillerie de traverser des périodes difficiles, à commencer par la Prohibition (1921-1933). Le colonel Blanton a réussi à négocier une licence gouvernementale, autorisée par le Liquor Concentration Act de 1922, permettant à la distillerie de continuer à produire du whiskey pour un usage médicinal. Plus tard, en 1937, le Kentucky et ses environs sont frappés par de sévères inondations. Grâce à sa ténacité, Blanton organise la reprise de la production dans la distillerie seulement 24 heures après la catastrophe. Sous sa direction, la distillerie survit à la Grande Dépression et produit à des fins militaires de l’alcool pur pendant la Seconde Guerre mondiale.

 

Le bourbon en chute libre

Après la Seconde Guerre mondiale, la société de consommation prend son envol aux États-Unis. Le bourbon est alors en vogue. Néanmoins, un basculement s’opère dans les années 1960, une période à laquelle l’âge médian aux États-Unis est d’à peine 30 ans. C’est l’époque où les baby boomers, devenus adolescents ou  adultes, se construisent une contre-culture en rupture avec celle de leurs parents et de leurs grands-parents, à commencer par le mouvement hippie qui questionne la société de consommation. Cette nouvelle ère culturelle amorce un déclin du bourbon parmi les plus jeunes

En parallèle de la progression du mouvement hippie, la consommation du whiskey chute année après année, les boomers lui préférant d’autres boissons comme la vodka, le gin, le vin et le scotch whisky. L’industrie du whiskey, voyant son déclin amorcé, saisit alors le Bureau of Alcohol, Tobacco and Firearms afin de redéfinir les contours des catégories bourbon et rye. L’objectif était de distiller à un degré plus élevé et d’utiliser des fûts déjà usagés pour un vieillissement plus court, afin d’obtenir un whiskey plus léger aromatiquement, correspondant davantage au goût de cette nouvelle génération. Cependant, le Bureau refuse cette requête, craignant que ces catégories deviennent confuses. Une catégorie alternative est donc créée : le light whiskey. Mais elle ne trouvera jamais son public et, si la catégorie bourbon se porte bien à l’international (notamment au Japon), 37 distilleries ferment entre 1970 et 1980 dans le Kentucky.

 

Innover par le passé

Les années suivantes seront déterminantes pour la George T. Stagg Distillery. Elle est rachetée en 1983 par un consortium d’investisseurs mené par Ferdie A. Falk et Robert C. Baranaskas. Dans la foulée du rachat, Falk et Baranaskas convainquent Elmer T. Lee, directeur d’usine et maître-distillateur, de continuer à travailler à la distillerie alors qu’il devait prendre sa retraite. Baranaskas lui demande  de développer un produit inédit dans l’industrie du bourbon. Lee met ainsi au point le premier bourbon embouteillé au fût par fût : le Blanton’s Single Barrel est lancé en 1984. Cette idée rend hommage au feu Colonel Blanton qui, de temps à autres, sélectionnait un fût au sein du Center Cut du Warehouse H, qu’il embouteillait pour sa consommation personnelle ou pour offrir à sa famille, des amis ou des dignitaires. En 1992, The Sazerac Company obtient l'acquisition de Leestown Co et de la George T. Stagg Distillery suite à un accord avec le groupe japonais Takara Shuzo. Néanmoins, si la distillerie - qui sera renommée Buffalo Trace Distillery en 1999 - est la propriété de Sazerac, les droits de la marque Blanton’s appartiennent toujours à Takara Shuzo. 

 

 

 

Le Warehouse H est très important dans la production de Blanton’s. Suite à l’abrogation de la Prohibition en 1933, la production croît et le Colonel Blanton décide de construire un nouvel entrepôt afin de stocker plus de fûts. Pour accélérer l’édification du bâtiment, il opte pour des façades métalliques, plutôt que des murs en brique ou en pierre. Le temps passant, Blanton s’aperçoit que ce matériau accentue les écarts de température dans le chai et permet au bourbon de vieillir différemment en favorisant les interactions entre le fût et le spiritueux. Et selon lui, c’est au Center Cut (rayon qui se trouve juste au-dessus de la mi-hauteur du chai) du Warehouse H, là où les variations de température sont moindres, que les meilleures conditions de vieillissement sont réunies. Voici comment des décennies plus tard, Blanton’s est devenu l’un des whiskies les plus recherchés de la planète. 

 

Des séries (très) rares et (très) recherchées

Depuis, de nombreuses séries limitées Blanton’s ont vu le jour, destinées pour certaines à des marchés particuliers et/ou exclusives à certains distributeurs. Parmi les plus recherchées, les éditions embouteillées pour La Maison du Whisky s’adjugent aujourd’hui entre £2 000 et £5 000 sur le marché des enchères. Pour les éditions les plus récentes, il faut débourser le double ou le triple du prix de sortie pour les acquérir dès les mois (voire les jours) qui suivent leur commercialisation. Les éditions embouteillées pour le Japon, telles que Memory of Yūjirō, l’embouteillage célébrant le 30e anniversaire de la marque ou celle du 100e anniversaire de Tezuka dépassent facilement £1 000 sur le marché secondaire, d’autant que cette dernière a été commercialisée dans un format de 50 cl, très rare pour la marque. Les Silver Edition, embouteillés à 49 % (entre le Blanton’s Original et le Blanton’s Gold Edition) et dont la production a été arrêtée en 2009, frôlent désormais les £2 000.

La dégustation 

Blanton’s Of. 2021 Collection Warehouse H - Barrel n°329 - LMDW Exclusive 50 % : 

 

Ce Blanton’s a été sélectionné par La Maison du Whisky, à l’occasion de son  65e anniversaire.

 

Robe : jaune doré.

 

Nez : puissant, épicé. Les premières séquences olfactives révèlent le caractère poudré à la fois épicé (poivre gris) et gourmand (chocolat) de ce Blanton’s. Le nez s’enrichit par la suite de notes de café, d’orangette et de gingembre. Le deuxième nez, teinté de notes pimentées, renforce le caractère de ce whiskey.

 

Bouche : vivifiante, friande. Dans une grande fraîcheur, l’attaque de bouche fait lien avec le nez par ses notes poudrées de gingembre. Puis, ce Blanton’s traverse progressivement des chemins amers (chocolat noir) et gourmands (vanille). Des fruits noirs apparaissent lors de la fin de bouche.

 

Finale : tendue, mouvante. Les premières notes sont boisées. Par la suite, des notes de café au lait apparaissent, atténuant la tension de la finale. Des agrumes (clémentine, orange, pamplemousse) apportent leur caractère juteux. L’arrière-bouche est herbacée (anis, gentiane).

 

Très harmonieux, ce Blanton’s se révèle parfaitement équilibré. Ses notes épicées et amères lui forgent un caractère bien trempé.

 

Blanton’s Of. Warehouse H Straight from the Barrel - Barrel n° 135 - Dumped 2008 65 % :

 

 

La série Blanton’s Straight from the Barrel est née en 2002, suite à une demande de Thierry Bénitah, PDG de La Maison du Whisky, qui croyait au succès d’une édition embouteillée au degré naturel. Ce fût n° 135 a été mis en bouteille en 2008.

 

Robe : ambrée.

 

Nez : profond, aérien. Les parfums évoquant des feuilles de papier journal soulignent la dimension old-school de ce nez. Une vraie finesse se dégage de ce whiskey, notamment grâce à ses notes florales (lavande, rose). Puis, une belle couche d’exotisme (fruit de la passion) peint l’arrière-plan de ce tableau olfactif. Le deuxième nez est terreux.

 

Bouche : ample, grisante. Les notes florales de l’attaque en bouche (rose, violette) sont véritablement entêtantes. Le milieu de bouche met en valeur la belle onctuosité de ce Blanton’s, marquée par des notes de café et de chocolat. Une note de poivre vient ensuite se glisser au sein de la palette gustative. La fin de bouche est légèrement boisée (bois neuf). De l’anis apparaît à l’aération.

 

Finale : fraîche, gourmande. La finale commence sur une séquence vanillée. Puis, des notes de coriandre évoquent les précédentes séquences florales de la dégustation. Des saveurs de clémentine et d’orangette prennent la suite, et la rétro-olfaction nous guide vers la chaleur d’un thé vert. L’aération dévoile des notes de réglisse.

 

Malgré son haut degré d’alcool, cet embouteillage se distingue par un profil aérien et ses notes florales. Superbe.

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