Ardbeg - D’une modernité à une autre

Chez Ardbeg, les fûts des années 1960-1970 jouissent d’une réputation enviable auprès des amateurs de whisky. Ces whiskies ont été distillés pendant une période de profonds changements et, si on excepte quelques brillants embouteillages italiens, n’ont été révélés au public qu’après la longue fermeture des années 1980-1990.

                                                                                                              La distillerie Ardbeg

 

Le tournant des années 1960-1970

 

En 1959, Distillers Company Limited et le Canadien Hiram Walker prennent une participation minoritaire importante dans Ardbeg. L’augmentation de la demande en whisky tourbé entraîne une hausse de la production et une modernisation de la distillerie dans les années 1960 et 1970, notamment avec l’arrivée d’Hamish Scott en 1964. On peut citer le remplacement des condensateurs en serpentin par des condensateurs à tube, la substitution du charbon par la vapeur pour chauffer les alambics, l’utilisation exclusive de levures de distillateur au détriment des levures de brasseur qui étaient aussi utilisées jusque-là ou encore la réduction du temps nécessaire au maltage en chauffant l’eau.

Les assembleurs en redemandent et ces succès valent à Scott d’être nommé general manager en 1971. Sa mission est alors d’accompagner l’augmentation de la production. Se pose alors la question de l’approvisionnement en malt, jusqu’alors produit par la distillerie. Une partie est achetée à Moray Firth Malting (Inverness) et Scott s’efforce de mécaniser la récolte de la tourbe pour augmenter la productivité. Cette mécanisation entraîne une extraction pléthorique en 1972, de sorte que les niveaux de tourbe du malt sont particulièrement élevés en 1973. La saison suivante marque un retournement radical causé par une météo rendant impossible l’utilisation des machines. Ceci explique pourquoi les Ardbeg 1974 sont si peu tourbés. 1974 est aussi l’année où Ardbeg commence à utiliser du malt produit à la malterie de Port Ellen, un changement majeur aux yeux des aficionados, achevé par la fermeture des aires de maltage d’Ardbeg en 1977.

Six mois après la reprise de la distillerie par Hiram Walker en 1976, Scott est évincé à cause d’importants désaccords sur la gestion de la distillerie et, surtout, sur la manière de produire le whisky. Scott pensait en effet que le nouveau propriétaire sacrifiait la qualité pour des raisons de coûts, une hypothèse que nous sommes tentés de corroborer quand nous dégustons côte à côte les Ardbeg de la première moitié des années 1970 et ceux de la seconde. Rétrospectivement, la question a finalement peu d’importance puisque Ardbeg s’apprête à fermer pour presque une décennie.

                                                                                                   Les chais d’Ardbeg

 

La fermeture des années 1980

 

En 1976, Hiram Walker & Sons rachète les parts de Distillers Company Limited pour 300 000 livres et prend le contrôle d’Ardbeg. La distillerie ferme en 1981, dans les premières années du Whisky Loch, la grande crise de surproduction des années 1980 qui entraîne la fermeture de nombreuses distilleries. Ardbeg rouvre en 1989 mais seulement par intermittence. La marque est désormais sous la houlette d’Allied Distillers, une filiale d’Allied Lyons qui a racheté les actifs britanniques d’Hiram Walker en 1987.

Ardbeg ferme de nouveau en 1996, avant d’être repris l’année suivante pour 7 700 000 livres par The Glenmorangie Company. Ardbeg est alors en triste état après une quinzaine d’années de fermeture et de fonctionnement intermittent. Le matériel est vétuste quand il n’a pas été démantelé pour ses pièces détachées, utilisées à Laphroaig, également propriété d’Allied Distillers. Glenmorangie investit des sommes importantes pour remettre en état et moderniser la distillerie, marquant le début d’une nouvelle ère.

 

La liquidation du passé et la renaissance d’Ardbeg

 

Lors de la réouverture d’Ardbeg, les fûts des années 1970 qui n’avaient pas été vendus aux assembleurs à l’époque sont encore dans les chais. Ceux des années 1960 ont été vendus à des négociants ou ont été assemblés pour produire un Ardbeg 30 ans, le dernier embouteillage de l’ère Allied Distillers.

Il s’agit alors de faire de la place, de liquider le reliquat – difficile à commercialiser car très âgé – et, accessoirement, de financer la remise à neuf de la distillerie. De la fin des années 1990 au milieu des années 2000, Ardbeg va donc embouteiller ou vendre de nombreux fûts des années 1970, pour différents marchés (France, Italie, Japon, etc.) et différentes entreprises comme Velier ou Dugas. Le Committee, un club d’amateurs d’Ardbeg fondé en 2000, et le Feis Ile ont aussi bénéficié de quelques single casks. On peut enfin citer des small batches comme la gamme Provenance – composée de quatre Ardbeg 1974 – et les éditions des millésimes 1975, 1977 et 1978.

Faute de jeune whisky à embouteiller, la première édition régulière de la nouvelle gouvernance est un Ardbeg 17 ans, un choix imposé par l’état des stocks mais à l’avenir forcément limité. Après la reprise de la production, Ardbeg sort plusieurs éditions toutes distillées en 1998, marquant les étapes conduisant au nouveau Ardbeg 10 ans, le Peaty Path to Maturity : Very Young, Still Young, Almost There et enfin Renaissance, le premier 10 ans de l’ère Glenmorangie, préfiguration du célèbre Ardbeg Ten.

Si les années 1960-1970 avaient marqué un tournant majeur dans l’histoire et le style de la distillerie, le Whisky Loch a eu raison de cet élan et c’est Glenmorangie qui a fait entrer Ardbeg dans la modernité, liquidant au passage un héritage qui fait aujourd’hui les délices des collectionneurs et de nos ventes aux enchères.

Dégustation


                                                                                                  Ardbeg 1973 Single Cask

                                                                         49,5%, 70cl, 2004, Bourbon Hogshead #1146, 219 bouteilles

 

Comme nous l’avons expliqué, 1973 est une année où la tourbe occupe le devant de la scène. Cet embouteillage annonce la couleur avec de puissantes notes de tourbe, de fumée, de charbon et de goudron. Salin et médicinal (camphre, eucalyptus), il sait aussi faire preuve de fraîcheur avec la menthe et le citron. Son aspect rustique (malt, foin) n’est pas sans rappeler les Ardbeg des années 1960. Enfin, le bois apporte des notes de réglisse, d’amande amère et d’épices (poivre blanc, clou de girofle). Un grand Ardbeg dont l’austérité et la finesse forcent l’admiration.

                                                                                              Ardbeg 1974 Single Cask

                                                            52,5%, 70cl, 2006, Bourbon #3309, For La Maison du Whisky, 109 bouteilles

 

Ce 1974 a plusieurs points communs avec le 1973 que nous venons de déguster, à commencer par une dimension médicinale marquée (camphre, eucalyptus, térébenthine, menthe). Il s’en distingue en revanche par une certaine douceur (beurre) et des notes pâtissières (vanille, pâte d’amandes). D’élégantes notes de bois précieux (santal) lui confèrent un caractère résineux et cireux. En bouche, on retrouve des notes de réglisse, d’anis, d’agrumes confits (citron) avec toujours cette dimension boisée très tenue. La finale huileuse et saline nous ramène vers les côtes. Sans renier les charmes de son prédécesseur, ce 1974 se montre plus avenant, plus rond aussi. Difficile de les départager !

 

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