Springbank Local Barley

L’engouement toujours croissant pour Springbank et la flambée des prix de ces embouteillages invitent à revenir sur une des séries les plus fameuses de la distillerie et de tout le whisky écossais : les Local Barley. 

Au lancement des premiers Local Barley, Springbank sort d’une longue période de dormance. En effet, la distillerie a gardé portes closes de 1979 à 1987, victime comme tant d’autres en Écosse du whisky loch, la grande crise de surproduction qui a frappé l’industrie dans les années 1980. C'est dans ce contexte qu'Hedley Wright, arrière-arrière-petit-fils de John Mitchell - la famille Mitchell est propriétaire de Springbank depuis 1837 -, décide de développer les ventes de single malt, plutôt que de vendre sa production aux assembleurs. Les Local Barley s’inscrivent aussi dans une volonté de valoriser des fûts âgés jugés d’une qualité supérieure. La distillerie doit alors composer avec des stocks amputés par sa fermeture et avec la nécessité de concevoir un cœur de gamme stable.

 

Springbank 1966 Local Barley #478

 

Des West Highland aux Local Barley

 

Le premier embouteillage de ce que l’on n’appelle pas encore les Local Barley date de 1988. Il s’agit d’un Springbank 1967, en bouteille haute. La mention « A West Highland Scotch Single Malt » apparaît sur son étiquette ornée de charmantes illustrations représentant la distillerie, les champs alentour, un alambic, son condensateur en serpentin et le spirit receiver. Ces étiquettes colorées et pittoresques deviendront iconiques, tant pour le liquide qui se cache derrière que pour l’image d’Épinal quelque peu nostalgique qu’elles véhiculent. Suivent quatre single casks de Springbank 1970 embouteillés en 1991 et 1993, réduits à 46% comme le 1987.

 

À la même période, en 1990, trois fût de sherry de 1966 sont embouteillés (brut de fût cette fois) en bouteille dumpy, comme encore aujourd'hui. La contre-étiquette précise que la quasi-totalité des matières premières employées pour le whisky proviennent d’un rayon de 8 miles autour de la distillerie. Chaque bouteille précise ainsi l'origine de l’eau, de la tourbe, du charbon et bien sûr de l’orge. Les seules exceptions étant les fûts de bourbon, importés du Kentucky ou les fûts de sherry, originaires d’Andalousie. 

 

La deuxième période de la série, la plus riche et la plus prolixe, est composée par les fameux fûts de 1966 sortis entre 1996 et 2000 (#470 à #511). Cette fois, l’étiquette précise « A Campbeltown Scotch Malt Whisky », revendiquant avec fierté sa région d'origine, naguère riche en distilleries mais qui n’en compte plus que deux - l’autre étant Glen Scotia - dès années 1960 ; la faute à la prohibition et à la crise économique des années 1930. On y trouve aussi bien des fûts de bourbon, laissant parler le distillat exotique de Springbank, que des fûts de sherry résineux et racés. Certains de ces fûts sont destinés à des marchés particuliers comme les États-Unis ou Taïwan. Les whiskies sont aussi plus vieux, affichant au moins une trentaine d’années au compteur, contre un peu plus d’une vingtaine pour les West Highland.

 

Le millésime 1966 est suivi, une fois n’est pas coutume, par cinq fûts (#6 à #10) du millésime précédent : 1965. Sortis en 2001, ils ont été embouteillés sous l'étiquette restée en usage jusqu'à nos jours, sur laquelle la distillerie est représentée depuis les champs d’orge environnants. C’est aussi à ce moment-là que le série prend le nom de Local Barley.

Springbank 10 ans 2010 Local Barley

 

Le renouveau des Local Barley

 

Ces derniers embouteillages semblent marquer la fin des Local Barley, probablement faute de fûts à embouteiller. La série est relancée en 2011 avec des whiskies plus jeunes, souvent âgés d’environ une dizaine d’années. D’abord pensés comme une série limitée en cinq versions, ces nouveaux embouteillages trouvent rapidement leur place dans le cœur du public. Il en sort désormais un nouveau chaque année. Ils réconcilient ainsi le goût des amateurs pour les embouteillages emblématiques des décennies passées, devenus très convoités, et pour la production actuelle.

 

Au-delà de leur grande qualité, les Local Barley illustrent les évolutions de Springbank - on pense aux variétés d’orge, aux levures, à la chauffe des alambics, aux fûts, etc. - mais aussi la continuité d’une distillerie qui s’est efforcée de rester artisanale, fidèle à des méthodes traditionnelles devenues rares aujourd'hui. Le whisky est entièrement réalisé sur place, à partir d’orge locale issue des fermes proches de la distillerie. Le maltage est réalisé par Springbank, la distillerie ayant rouvert ses aires de maltage en 1992. Même l’embouteillage est effectué sur le site. Si, à la dégustation, l’écart entre les distillations des années 1960 et celles des années 2000 est évident, Springbank a su conserver le degré d’excellence qui lui vaut d’être l'une des distilleries les plus admirées d’Écosse.

Les aires de maltage à Springbank

 

Springbank 1966 Local Barley

51,9%, 70cl, 1997, Bourbon Cask #478

 

Ce Local Barley issu d’un fût de bourbon est délicieusement patiné avec des notes de cuir, de tabac, de fruits secs (figues, raisins) et bien sûr de cire d’abeille et de miel. On retrouve également l’orge sous la forme de notes toastées (pain grillé) et de fruits à coques (noix, noisettes). La bouche met l’accent sur le fruit à travers des notes d’ananas, d’abricot, de mirabelle et d’agrumes (orange, citron). La finale nous emmène sur des terres différentes avec des notes de bonbon à la réglisse, de menthe et de gomme. Le fût est remarquablement intégré et ne dissimule en rien ce distillat d’une complexité et d’un équilibre proche de la perfection.

 

Springbank 10 ans 2011 Local Barley

51,6%, 70cl, 2021

15 000 bouteilles

Au nez, les agrumes, et plus particulièrement le citron, mènent la danse. Le whisky développe aussi des arômes très racés de suie et d’embrun. La bouche reste fidèle au thème avec ses notes de citron, de poivre et de sel ainsi qu’une minéralité exacerbée. Voilà une version très droite de Springbank, intéressante pour notre comparaison parce qu’elle nous permet de mesurer l’évolution du distillat entre les années 1960 et aujourd’hui. Les fruits et le caractère cireux des vieux Springbank ne sont plus d’actualité mais le distillat conserve une pureté et un style à bien des égards très vieille école, ce qui n’est pas pour nous déplaire.