Rosebank

Camille Villeneuve 23.08.2023

Rosebank fait partie de ces distilleries dont la légende n’est plus à faire. En effet, elle complète, après Port Ellen et Brora, le podium des distilleries écossaises les plus prisées et recherchées des collectionneurs.  

Elle a mis plus de temps que ses homologues d’Islay et des Highlands à devenir mythique, du fait de sa date de fermeture – dix ans après le Whisky Loch – mais aussi probablement à cause de sa région d’origine des Lowlands, injustement négligée par les amateurs de scotch whisky pendant longtemps. 

Peut-être moins démonstrative que Port Ellen et Brora, elle est cependant reconnue comme la meilleure distillerie des Lowlands. Si une large part de sa production servait à alimenter les blends, certains embouteillages iconiques rappellent à quel point Rosebank peut se révéler un malt d’une finesse et d’une élégance remarquables.  

Parmi eux, citons le Rosebank OB 20 ans Zenith Import à 57 %, embouteillé pour le marché italien en 1987. Enfin, n’oublions pas les nombreuses versions indépendantes chez Signatory Vintage, Douglas Laing ou encore la Scotch Malt Whisky Society, qui ont participé à inscrire Rosebank dans la légende avec des expressions de haute volée.

Un peu d’histoire… 

Rosebank fut créée en 1840 par James Rankine qui transforma la malterie de Camelon pour en faire une distillerie. Rosebank prospéra et fut agrandie en 1845 sous l’égide de la famille Rankine. Puis, cette dernière fit l’acquisition des principaux bâtiments de Camelon pour en faire une nouvelle malterie afin d’augmenter la production. 

La distillerie passa sous le giron de Distillers Company Limited (DCL, ancêtre de Diageo) en 1919 et y resta jusqu’à sa mise en sommeil en 1993. En effet, pour continuer à exploiter la distillerie, DCL, devenue entre-temps United Distillers, se devait d’engager des travaux à hauteur de deux millions de livres sterling afin de traiter ses effluents. La décision fut malheureusement prise de fermer la distillerie. Diageo vendit les bâtiments à la British Waterways mais conserva les stocks ainsi que l’utilisation de la marque. 

Plusieurs rumeurs au sujet d’une réouverture coururent vers la fin des années 2000 mais le vol des alambics pour leur cuivre à la fin de l’année 2008 mit fin aux velléités d’éventuels repreneurs. Ce sera finalement Ian MacLeod Distillers (déjà propriétaire de Glengoyne et Tamdhu) qui se décidera, en 2017, à racheter les bâtiments à Scottish Canals ainsi que les stocks et la marque à Diageo.

Évolution et perspectives 

Plusieurs facteurs expliquent l’engouement des amateurs et collectionneurs pour une distillerie. Sa fermeture en est évidemment un mais il ne peut suffire à expliquer le phénomène Rosebank.  

En effet, sur le marché des enchères, la qualité du whisky est souvent le dénominateur commun des embouteillages à fort potentiel. Ainsi, le malt de Rosebank est le meilleur ambassadeur des whiskies en triple distillation, avec ses superbes notes florales et fruitées mais c’est aussi un malt de caractère brisant, par là même, la réputation faite aux whiskies des Lowlands, considérés comme trop conventionnels. La série des Rare Malts en est une parfaite illustration. 

L’intérêt pour Rosebank a commencé à grandir au début des années 2010 avec une montée progressive de sa cote jusqu’en 2019. Ce phénomène s’est poursuivi avec une nette accélération de 2019 à 2022, aidé par la hype pour les derniers fûts détenus par un indépendant – Elixir Distillers et sa série des Roses –, dont le dernier opus vient de sortir en France. À titre d’exemple, le Rosebank 21 ans The Roses Edition 1 se vendait aux alentours de 400 € lorsqu’il est sorti en 2016. Les récentes adjudications sur différentes enchères le voient partir aujourd’hui autour de 8 000 €. 

Première distillation fin juillet 2023 

Après la reprise en 2017, les travaux devaient commencer fin 2019. Néanmoins, la crise liée au COVID passant par-là, les travaux furent repoussés, entraînant des retards. 

Cependant, la distillerie a annoncé récemment avoir rempli le fût #001 le 18 juillet 2023. La bonne nouvelle est le soin apporté par Ian MacLeod Distillers pour rester dans les pas de l’ancienne Rosebank : les cuves de fermentation ont été réalisées avec du pin d’Oregon comme à l’origine, les alambics refaits à l’identique chez Forsyths et, bien évidemment, la triple distillation sera de rigueur. 

Mais alors, quid des embouteillages déjà existants ? Pas d’inquiétude à avoir, l’annonce d’une réouverture n’a que peu d’influence sur le prix des enchères, comme cela a été vérifié avec Port Ellen et Brora. Au contraire, il est fort probable que cela fera connaître la distillerie à un plus large public, renforçant ainsi l’intérêt pour les anciennes expressions. 

Souhaitons, en tout cas, que la seconde vie de Rosebank soit au moins aussi longue que la première !