Hampden : figure d’un style

Distillerie incontournable du  terroir des “grands crus” jamaïcains, Hampden perpétue encore aujourd’hui les traditions ancestrales liées à la production du rhum dans cet État insulaire des Caraïbes. Fondée au XVIIIe siècle, ses embouteillages officiels ne sont  commercialisés que depuis 2011 sous la marque Hampden. En 2018, sont lancés les premiers rhums vieux, intégralement vieillis à la distillerie, distribués par La Maison & Velier, joint-venture entre LMDW en France et la société italienne Velier. Voyage au cœur d’une distillerie dont les méthodes de production pluricentenaires n’ont jamais semblé aussi modernes.

 

 

Une vieille distillerie mais une jeune marque

C’est à Trelawny, au nord-ouest de la Jamaïque que la distillerie Hampden Estate est fondée en 1753. Jusqu’au début du XXIe siècle, la distillerie vend son rhum destiné aux assemblages en vrac, auprès de revendeurs, d’assembleurs et d’embouteilleurs indépendants. C’est seulement à la suite de son rachat par la famille Hussey en 2009 que la distillerie se lance dans le vieillissement de rhums sur place. En 2011, la marque Hampden voit le jour avec la commercialisation du rhum blanc Rum Fire et, en 2012, deux autres nouvelles références sont commercialisées : Hampden Gold et Rum Fire Velvet

 

En 2018, les premiers rhums vieillis de la distillerie Hampden sont commercialisés. Les amateurs découvrent un savoir-faire développé et préservé depuis 265 ans. Ils goûtent des rhums exubérants, issus de longues fermentations, où interviennent le dunder et le muck, deux ingrédients à propos desquels nous reviendrons plus en détail et qui fascinent les amateurs. L’arrivée des rhums vieillis Hampden sur le marché correspond à l’avènement des High Esters Rums jamaïcains,  des rhums distillés en pot still (généralement à double-retort) dont le niveau d’esters dépasse les 500 g par HLAP (hectolitres d’alcool pur) et peut atteindre 1 600 g par HLAP (limite fixée par une loi datant de février 1935). Une catégorie dans laquelle Hampden s’est taillé une réputation planétaire.

 

Dunder et muck : lorsque la magie opère

 

 

Le caractère si particulier des rhums jamaïcains provient en partie du dunder, ou vinasses, résidu de la distillation du moût ajoutées aux fermentations suivantes. 

Chez Hampden, les rhums high esters sont élaborés à partir de distillat de mélasse, de dunder et de muck, ces deux derniers ingrédients permettant de booster le production d’esters durant la fermentation.  

Après la distillation, le dunder est déversé dans des muck pits, des fosses creusées à même le sol dans lesquelles sont ajoutés de l’eau, et des fruits très mûrs tels que la banane, le jacquier et la sapotille. Le muck pit est rechargé une fois par an par la “boue” du muck grave, une réserve de “compost” située à l’extérieur de la distillerie, composée de résidus de fermentation, de dunder, de terre et de bagasse. 

L’interaction de ces composants booste incroyablement la concentration du rhum en esters pendant la fermentation qui dure au minimum deux semaines et peut s'étendre sur plus d’un mois, en fonction du profil de rhum recherché. Lors de la fermentation, aucune levure exogène n’est ajoutée à ce bouillon naturel, riche en bactéries et en acides. Avant d’être distillé, le wash séjourne encore une semaine dans des cuves, où il développe d’autres esters. Enfin, une portion de muck est parfois ajoutée en fonction du profil recherché. 

La distillation : du low au high ester

La distillation chez Hampden s’effectue de façon traditionnelle, dans des alambics pot stills à double retort. La distillation s’effectue en une seule passe durant sept heures environ. Elle engendre un distillat titrant entre 85,5 % et 86,5 %. 

 

 

Impossible de parler des rhums jamaïcains et plus particulièrement d’Hampden sans évoquer la notion de mark. Ce terme recouvre différentes catégories de rhums, définies selon  leur concentration en esters/HLAP. À l’origine, cette catégorisation des rhums par marks permettait aux assembleurs et autres clients des distilleries jamaïcaines de distinguer les différents types de profils organoleptiques des rhums et de les classer selon leur intensité aromatique. Les différents marks produits par une distillerie constituent une information importante pour les passionnés de rhums à la recherche de profils spécifiques. En Jamaïque, les marks sont usuellement désignés par un acronyme propre à chaque distillerie. 

 

Chez Hampden, la distillerie produit historiquement six marks, et deux nouveaux marks ont été créés par la famille Hussey suite au rachat de la distillerie. Ces derniers, qui sont les plus légers en esters, se nomment OWH  (40-80 g/HLAP) et LFCH (80-120 g/HLAP). Ils sont  élaborés à partir d’eau et de mélasse. Quant aux six marks historiques, LROK (200-400 g/HLAP), HLCF (400-600 g/HLAP), <> H (900-1000 g/HLAP), HGML (1000-1000 g/HLAP), C <> H (1300-1400 g/HLAP) et DOK (1500-1600 g/HLAP), ils sont produits à partir de mélasse, de vinaigre de jus de canne, de dunder, d’eau et de muck,  selon des proportions variables. Les temps de fermentation diffèrent également : plus la durée est longue, plus le taux d’esters sera élevé pour les marks les plus intenses.

 

Un rhum très recherché par les amateurs du monde entier

Parmi les embouteillages les plus recherchés d’Hampden, nous trouvons tout d’abord les embouteillages de la fameuse Trelawny Endemic Birds Series. Que ce soit en lot de plusieurs expressions ou parfois même sur une seule édition, la somme du millier d’euros est (largement) dépassée sur le marché des enchères. Les vieux millésimes de la distillerie sont également prisés par les passionnés. Des Hampden distillés au début des années 1990 et embouteillés par des négociants s’adjugent aux enchères à des sommes pouvant dépasser les £2 000 (près de 2 500€). D’autres versions de négoce plus récentes, comme les expressions de la gamme Habitation Velier rencontrent aussi du succès sur le marché secondaire. Enfin, les versions Hampden Great House ne sont pas en reste, le lot des éditions 2019, 2020 et 2021 flirte avec le millier d’euros aux enchères. Une chose est sûre : Hampden est en vogue, et cela n’est que le début de son histoire contemporaine.

La dégustation : 

Hampden Great House 2019 59 % : 

 

 

Construite en 1779, la Hampden Great House a servi de lieu d’entreposage des fûts jusqu’au début du XXe siècle. Depuis 2019, la distillerie dévoile chaque année une édition à son nom. 

La première cuvée est un assemblage du mark le moins typé (80 % d’OWH distillé en 2012) et du mark le plus typé (20 % de DOK) produits par la distillerie. Les fruits mûrs (ananas, mangue) composent la première séquence aromatique. L’environnement olfactif devient ensuite plus terreux, avant d’évoquer des notes gourmandes (crème brûlée) et minérales (charbon de bois). La bouche ne manque ni de vivacité, ni de puissance. Altière, l’attaque de bouche est une immense vague fruitée, composée de banane, de mangue, d’orange et d’ananas. Le milieu de bouche est plus épicé, dévoile des notes caractéristiques de poivre gris et de cardamome. L’entame de finale revient vers la mangue très mûre, oubliée dans la corbeille. De douces notes de pommes cuites caramélisées et de cannelle affluent lors de la rétro-olfaction. Un Hampden véritablement robuste et complexe !

 

Hampden 9 ans 2011 Red Billed Streamertail Single Cask #296 60,3 % : 

 

 

Expression de la célèbre série Trelawny Endemic Birds Series, ce single cask #296 rend hommage à la diversité de la faune de Trelawny et de Cockpit Country, et particulièrement aux espèces d’oiseaux endémiques qui y vivent. Ce rhum de mark LFCH de 9 ans d’âge présente un nez très fin, avec des parfums de colle, de chanvre, de gazon et de peau de banane. Loin d’être incisif, il évolue progressivement vers des notes d’amande, de noisette et de papier journal. La bouche s’inscrit dans le même univers.  L’attaque est pleine de gourmandise, marquée par des notes de citron et de crème vanillée. Le fruité caractéristique d’Hampden apparaît en milieu de bouche, rehaussé d’orange, de fruit de la passion et de mangue. En fin de bouche, la vanille revient accompagnée de chocolat au lait. Cet instant gustatif est, tout comme le reste de la dégustation, plein de délicatesse. Pleine de mangues, la finale suit ce chemin. Preuve  que les petites merveilles d’Hampden ne se trouvent pas uniquement parmi les High Esters.

 

Hampden 6 ans 2010 HLCF Habitation Velier 68,5 % : 

 

 

Embouteillée deux ans avant la commercialisation des premiers embouteillages officiels d’Hampden vieillis, cette expression de mark HCLF est proposée dans la gamme Habitation Velier créée en 2015 par Luca Gargano. Ce rhum, qui titre à  68,5 %, surprend par la subtilité de son nez . Nous retrouvons ces mangues très mûres caractéristiques d’Hampden, mais l’on perçoit aussi  des parfums de laurier, de violette, de tabac et de bois poncé.  La bouche, étonnamment ronde est d’une grande souplesse, traversée par de la vanille, des abricots, des mangues, des pommes vertes, des ananas, de la mélisse et de la réglisse. La violette fait son retour par petites touches juste avant une finale plus terreuse, relevée de quelques notes d’ananas. Une brillante illustration du mark HLCF, le mark de référence de la distillerie Hampden.