Hakushu

Si Yamazaki (1923) reste dans l’histoire du whisky comme la première distillerie du Japon,  Hakushu, n’a rien à lui envier. Construite cinquante ans après Yamazaki, en 1973, elle se distingue par un parcours original qui illustre les évolutions du marché japonais et une certaine approche du whisky.

La distillerie Hakushu et son environnement.

La plus grande distillerie du monde

A la tête de Suntory depuis 1961, Keizo Saji, le fils du fondateur Shinjiro Torii, décide de construire une seconde distillerie. Après de longues années de recherche, une vaste forêt au pied du mont Kaikomagatake, au sud des Alpes japonaises (préfecture de Yamanashi), est retenue pour accueillir la nouvelle distillerie. Le site est en altitude et il y fait plus froid et sec qu’à Yamazaki. Suntory fait l’acquisition de plus de 80 hectares de terre mais n’en utilise qu’une petite partie pour construire Hakushu, le reste étant préservé.

La première distillerie Hakushu est bien loin de celle qu’on connaît aujourd’hui. Achevée en février 1973, il s’agit d’une distillerie géante (Hakushu 1), équipée de six paires d’alambics de grande capacité tous identiques : forme de lanterne, bras descendant, chauffe indirecte à la vapeur. Un deuxième bâtiment est construit en 1977 (Hakushu 2), sur le même modèle, faisant de Hakushu la plus grande distillerie du monde.

L’objectif est de produire avec constance et uniformité un whisky léger en quantité suffisante pour alimenter le blend phare du groupe depuis son lancement en 1950 : Suntory Old. La production de whisky au Japon a presque triplé entre 1964 et 1972 et le goût des consommateurs tend vers des whiskies de meilleure qualité, une catégorie à laquelle appartient Suntory Old dont le groupe écoule alors 12 millions de caisses par an au Japon.

Changement de perspective

Cette période de course à la production trouve une fin brutale et durable dans les années 1980 avec des hausses de taxes importantes et régulières (en 1978, 1981 et 1984) ainsi qu’un certain désamour pour le whisky au Japon, remplacé par d’autres alcools moins lourdement taxés et plus dans l’air du temps comme le shochu. Il faudra attendre le XXIe siècle pour que l’industrie sorte la tête de l’eau. Dans un tel contexte, produire en masse n’a plus de sens.

Hakushu 3 - ou Hakushu Est, car à l’est de la route qui traverse la forêt, comme on la désigne à partir de 1988 - est construite en juin 1981 et Hakushu Ouest (1 et 2) cesse de produire peu de temps après. Cette nouvelle distillerie prend le contrepied total de ces prédécesseurs avec des alambics plus petits, de tailles et de formes variées, avec des bras ascendants ou descendants, des chauffes directes à la flamme ou indirectes au gaz et des condensateurs en serpentin ou à tubes. Les washbacks sont désormais en bois, on utilise aussi bien des levures de brasseur que de distillateur et les fermentations sont longues. Tout est pensé pour produire des whiskies de grande qualité et pour offrir au master blender la palette le plus large possible.

La salle des alambics.

Cette démarche est poursuivie avec l’installation d’une petite distillerie de grain au sein de Hakushu fin 2010. Après deux ans d’essais, elle est officiellement inaugurée en 2013, année du quarantième anniversaire de la distillerie. Elle joue là encore la carte de la diversité et de l’expérimentation avec différents mashbills, différentes levures et des distillations plus ou moins poussées.

Embouteillages iconiques

Hakushu a toujours été et demeure dans l’ombre de Yamazaki, ce que reflète le décalage entre les nouveaux embouteillages de Yamazaki et ceux de Hakushu, à commencer par les dix ans qui séparent le lancement de Yamazaki 12 ans en 1984 et celui de Hakushu 12 ans en 1994. Un décalage qui s’explique aussi par la jeunesse de Hakushu comparée à Yamazaki et donc par des stocks moins importants et moins âgés. Ont suivi les Hakushu 10 ans, 18 ans, 25 ans et Distiller’s Reserve.

On retrouve également Hakushu dans les gammes les plus fameuses de Suntory comme The Cask, Owner’s Cask ou Vintage Malt. Si les éditions élevées en hogshead ou en fût de chêne américain sont plus courantes, on trouvera aussi quelques très beaux embouteillages en fût de sherry et, plus rarement encore, en fût de mizunara (le chêne japonais). Nous pensons notamment à un embouteillage de Hakushu 1981 élevé 21 ans dans un fût en mizunara avant d’être embouteillé par la Scotch Malt Whisky Society (120.1).

 

Hakushu 25 ans

43%, 70cl

Hakushu a souvent un caractère forestier qui n’est pas sans évoquer l'environnement de la distillerie. Un quart de siècle passé en fût n’a pas suffi à gommer ce caractère frais et aromatique avec des notes de menthe, d’eucalyptus mais aussi de mousse de chêne et de tourbe. Un boisé cireux et quelques agrumes (mandarine, citron) viennent compléter ce tableau qui nous évoque la dernière manière de Corot avec ses tons verts et sa touche un peu diffuse. N’en reste pas moins que ce whisky repose sur une architecture très sûre, composée avec beaucoup de maîtrise par les master blender de la maison. 

 

Hakushu Sherry Cask 2013

48%, 70cl

Les mérites des Yamazaki élevés en fût de sherry sont bien connus mais ceux de Hakushu ne sont pas moindre. On retrouve les notes typiques de ce type de fût - de grande qualité et toujours en chêne espagnol chez Suntory - comme le chocolat, la réglisse ou les fruits secs mais le caractère de Hakushu demeure bien présent. Cette édition offre ainsi des notes de menthe, d’eucalyptus, d’orange sanguine ainsi que de nombreuses épices (clou de girofle, poivre noir, gingembre) et une fumée discrète. L’ensemble est d’une belle complexité avec un jeu de nuances et de rencontres entre le distillat et le fût.