L’œil du Golden Promise, c’est l’occasion d’aborder les flacons présentés sur finespirits.auction sous un nouvel angle grâce aux experts du Golden Promise Whisky Bar : Stanislas Kindroz et Salvatore Mannino.
SALVATORE MANNINO
ABERLOUR 30 ans 1975, fût N°4577, 48,9%, 164 bouteilles
Fondée dans le Speyside en 1879 (même si l’étiquette affiche fièrement « single Highland malt » mais après tout, le Speyside ne se trouve-t-il pas dans les Highlands ?) et propriété de Pernod Ricard depuis 1974 (ce fut d’ailleurs la première distillerie écossaise acquise par le groupe), il n’est pas étonnant qu’Aberlour aie une place particulière dans le cœur des Français : en effet, l’hexagone reste, et de loin, son premier marché. Aberlour est tout de même le huitième single malt le plus vendu dans le monde, place justifiée, même si, au vu d’amateurs chevronnés, ce whisky est trop facilement catalogué comme « classique » et généralement boudés par ces mêmes amateurs. Et pourtant ce serait oublier les superbes embouteillages dont la distillerie nous gratifie -à commencer par le célèbre A’bunadh, lancé en 2000- et dont nous avons ici, avec ce 30 ans, un parfait exemple :
Le nez, d’une belle finesse, évoque une promenade dans les vergers (pommes vertes) et nous emmène ensuite sur des sentiers exotiques (loukoum), avec des notes d’amandes légèrement grillées et de miel d’Acacias, le tout enveloppé dans des volutes de fumée de papier d’Arménie ! Puis retour au verger avec du coing fraîchement pelé et du gazon imprégné de rosée matinale. Enfin, des zestes de citron continuent d’apporter une grande fraîcheur à ce whisky pourtant d’âge vénérable.
La bouche est fluide, gourmande et épicée : du chocolat blanc aux éclats d’écorce de citron, saupoudré de poivre vert et de gingembre râpé ainsi qu’un bel entrelac de vanille et d’estragon. Une légère amertume herbacée vient apporter encore plus de caractère. La finale est longue, chaleureuse, épicée et acidulée, herbacée (gentiane). Des « classiques » comme celui-ci, j’en redemande !
GLEN ORD 23 ans 1974 Rare Malts (embouteillé en 1998), 60,80%
GLEN ORD est assez discrète dans la mémoire des amateurs de whisky et pourtant, cette distillerie se distingue de manière notable vis-à-vis de ses consœurs en étant l’une des très rares en Ecosse à être auto-suffisante en malt avec leurs propres unités de maltage construites in situ en 1968 (18 « drums maltings », d’énormes tambours, procédés modernes de maltage) qui d’ailleurs, ne se contentent pas de fournir la distillerie mais répondent également aux besoins- entre autres- de Talisker. Sa capacité énorme de production (plus de 11 millions de litres d’alcool pur) est justifiée par l’utilisation importante de leur whisky pour les blends mais aussi en tant que single malt. Connu aujourd’hui sous le nom de « Singleton of Glen Ord » (très populaire auprès du marché asiatique), son whisky a souvent changé de nom tout au long de son histoire, de quoi causé le tournis aux amateurs : Glenoran, Glen Ord, Ordie, Ord et Muir of Ord : voilà les nombreux patronymes qui ornaient ses étiquettes !
La version qui nous intéresse aujourd’hui a été embouteillée tout simplement sous le nom de Glen Ord, dans la fameuse gamme des Rare Malts créée au milieux des années 1990, et affichant un degré impressionnant de 60,80% au bout de 23 années d’élevage !
Le nez est vif, frais, malté et herbacé : nous sommes en plein milieux d’un champ d’orge. Avec plus d’aération, des notes fruitées (nèfles), épicées (poivre) et subtilement médicinales (camphre) se succèdent. Avec le temps, il s’arrondit et devient gourmand (gâche vendéenne), laissant augurer une belle dégustation. La bouche est puissante, on retrouve le malt et cette touche médicinale, indice de tourbe tout en discrétion. S’adoucissant en milieux de bouche, les fruits envahissent le palais (pamplemousse blanc, coing, nectarine blanche). La finale est longue, sèche et médicinale. Ode à sa matière première, voilà un malt qui mérite vraiment qu’on le sorte de l’ombre.