L’œil du Golden Promise, c’est l’occasion d’aborder les flacons présentés sur finespirits.auction sous un nouvel angle grâce aux experts du Golden Promise Whisky Bar : Salvatore Mannino et Stanislas Kindroz.
STANISLAS KINDROZ
Pour lancer ce nouvel Œil du Golden Promise, je vous invite à découvrir deux éditions venant de la distillerie qui vend le plus de single malts d’Islay, à l’heure actuelle.
Une vingtaine d’éditions du Laphroaig 25 ans brut de fût ont été commercialisées depuis 2008. La version que je vous présente, élevée exclusivement en fût de sherry, restitue avec beaucoup de franchise le caractère médicinal qui fait la singularité de ce single malt. Au nez, le camphre est omnipotent et encadre des notes plus rustiques (terre humide) et empyreumatique (papier en combustion). Des notes de végétation apportent de la fraîcheur à un nez très massif. La bouche nous prend à contrepied en apportant de la rondeur. Elle est tout d’abord la continuité du nez, avec des séquences végétales et camphrées. Un soupçon de noix de coco précède des notes de menthe et de bonbon pour la toux. L’entame de finale rapporte de la chaleur à la dégustation, avec des notes infusées (thé à l’hibiscus, thé noir). En arrière-bouche, des notes de cuir apportent une touche animale à la finale. Enfin, au milieu des phénols, la prune se fraye un chemin apportant une légère astringence. Un très beau Laphroaig, à mettre uniquement entre les mains des aficionados de whiskies très tourbés.
Nous délaissons le très en vogue cask strength pour une édition embouteillée à 43 % et de cinq ans plus âgée. De plus, nous délaissons également un profil très moderne pour déguster un Laphroaig aux teintes plus “old-school”. Dès les premières secondes, des notes de pommes et de mangues investissent la palette aromatique. La tourbe est évidemment présente, à travers des parfums camphrés, médicinaux (pansements), minéraux (charbon) et animaux (guanciale), mais avec des traits qui s’éloignent de l’épaisseur pour aller vers la finesse. La bouche est du même acabit. Une attaque fraîche et exotique (fruit de la passion, mangue) devance des passages camphrés et mentholés. La fin de bouche nous renvoie aux notes de guanciale perçues au nez. Très végétale (salade), l’entame de finale est également saline (chips de pomme de terre) et empyreumatique (goudron). Des notes de figues apparaissent après une séquence mentholée. En arrière-bouche, des notes de betterave complètent le registre végétal de la dégustation, et la finale s’éteint sur de la noix de coco. Un style plus aérien pour ce magnifique Laphroaig.
SALVATORE MANNINO
Fondée en 1957, lors du boom du whisky d’après-guerre, Glen Keith sera la première distillerie d’Ecosse à utiliser le gaz pour la chauffe de ses alambics en 1970, pour passer trois ans plus tard à celle, plus conventionnelle, ayant recours à la vapeur. A noter, qu’à cette même période, elle produira également un whisky tourbé du nom de Glenisla. Ce ne seront pas les seules expérimentations menées dans cette distillerie, véritable laboratoire pour ses propriétaires d’alors, Chivas Brother : on y effectue de la triple distillation, on teste de nouvelles levures pour la fermentation ainsi que la distillation à colonne pour des single malt. Cependant, en 1998, les stocks de whisky en Ecosse sont au plus haut depuis les niveaux atteints en 1980, alors que d’un autre côté la consommation de cet alcool baisse, résultat : Chivas décide de fermer la distillerie en 1999 (en moins d’une dizaine d’année, le groupe fermera 4 distilleries-dont Imperial de manière définitive).
Rachetée en 2001 par Pernod Ricard, la distillerie sera partiellement reconstruite et réaménagée en 2012, pour reprendre sa production l’année suivante.
Les longues maturations siéent comme un gant à Glen Keith, qui plus est, quand elles sont menées par le négociant Gordon & MacPhail, le plus éminent des spécialistes du genre. Ce 1967 en est une preuve vibrante, tant sa palette aromatique et gustative est exubérante ! Le nez, riche, propose des fruits confits (dont l’orange) en quantité, de la pâte de coing, un superbe rancio, du cèdre et du clou de girofle. Puis une séquence exotique (mangue et banane séchées) précède des notes plus envoûtantes de musc, d’encens, de cuir neuf et de vieux meubles cirés. La bouche, vive et épicée, puissante en attaque, laisse ensuite parler le bois précieux et l’atelier d’un antiquaire ébéniste : l’Ecosse ? Ne serions-nous pas plutôt dans la vénérable bibliothèque du Trinity Collège à Dublin ?
D’autant plus que la profusion de fruits exotiques qui suit, nous rappelle ces whiskies âgés du cousin et voisin celtique. La finale est très longue, saline, sur le rancio (abricot), le gingembre confit et la banane séchée. Un seul mot me vient à l’esprit : superbe !
Fondée en 1833, sous le nom de Burnfoot, pour changer de propriétaires en 1876, qui la
renommeront alors Glenguin, ce n’est qu’en 1905 que la distillerie prendra le nom qu’on lui connaît aujourd’hui : Glengoyne. Faisant les beaux jours du blend Lang’s, dont il constituera la part essentielle, ce dernier obtiendra un « Royal Warrant » décerné par la Reine Mère en 1984. En 2003, la distillerie sera rachetée par le négociant Ian Mac Leod. Il est à noter que si la distillerie est située dans le sud des Highlands, ses chais, eux, sont localisés de l’autre côté de la route de ce bâtiment, dans les Lowlands !
Voici un whisky qui allie intensité et gourmandise : le nez est vif et épicé, on y trouve de la
marmelade d’orange, avec ses écorces confites, des nonnettes saupoudrées de cannelle, du gingembre et du pamplemousse rose. Nous restons sur le registre pâtissier avec de la gelée d’airelles et de groseilles ainsi que du caco en poudre. La bouche garde la même vivacité que le nez, l’orange
domine moins les débats mais les épices se font plus nettes et viennent souligner un boisé maîtrisé.
La finale est longue et sèche.
Depuis le rachat de la distillerie par Ian Mac Leod, Glengoyne est sortie de l’ombre et ses
vieillissements en fûts de sherry principalement, en sont la signature. Bien que cette version y déroge, puisque nous sommes sur un ex-fût de Rioja blanc, les marqueurs à la dégustation, ne s’éloignent pas vraiment du Sherry. Après tout, Andalousie ou Rioja, on reste en Espagne ! Maîtrise et équilibre résument bien cet embouteillage.