La fin d’une enchère est souvent l’objet d’une forte poussée d’adrénaline pour les participants et ce fut particulièrement le cas pour cette seconde édition de Fine Spirits Auction qui se tint vendredi 12 février dernier. Ainsi, la destination finale de certains lots s’est jouée dans les cinq dernières minutes qu’ont duré les enchères. Jusqu’à la dernière seconde, aucun des participants n’a pu véritablement crier victoire tant certains lots furent adjugés sur le fil du rasoir.
Tout d’abord, il faut saluer la résilience de la catégorie CAC (acronyme communément utilisé pour désigner les Calvados, Armagnacs et Cognacs). Avec une petite cinquantaine de lots proposés, elle se positionne en tête des adjudications en matière de réalisation de vente. Seuls quatre lots n’ont pas trouvé acquéreur. Une performance encourageante face à une présence dominante des catégories whisky (tous pays confondus) et rhum. Les Petites Champagnes de Guy Lhéraud (Louis XV & Louis XVI) firent l’objet d’une véritable passe d’arme entre enchérisseurs, mais c’est Frapin et sa superbe carafe Cuvée 1888 qui a mis tout le monde d’accord avec une enchère à 5 428 €. Juste derrière, la maison Drouin, spécialiste des calvados millésimés, s’est distinguée avec son 1970, et enfin, un légendaire pot d’armagnac Labarthe 1929 de 2,5 litres mis en bouteille par Darroze, s’est envolé à presque 1 300 €.
Cette deuxième édition a également confirmé l’attrait que peuvent susciter les lots de valeur modeste. Qu’ils intriguent les plus curieux par leur ancienneté ou qu’ils constituent une bonne affaire pour les connaisseurs, ces lots ont véritablement profité de cette enchère et ont trouvé « chaussure à leur pied ». Sur la soixantaine de lots dont l’estimation basse était égale ou inférieure à 35 €, seul un flacon n’a pas trouvé acquéreur. Parmi les plus convoités se trouvent le blend écossais The Antiquary De Luxe, le blend canadien Old Canada et le single malt écossais Highland Park 18 ans 1985.
Les whiskies japonais sont dans toute vente, une catégorie attendue et très regardée comme en atteste encore le nombre d’alertes. Si Karuizawa et Yamazaki restent les deux distilleries les plus cotées, Yoichi et Miyagikyo ont cette fois-ci raflé la mise par le nombre d’enchères recueillies et leur niveau, toutes supérieures aux estimations hautes. Ces deux distilleries, propriétés du groupe NIKKA, sont un véritable « réservoir de valeur » tant leur potentiel est à ce jour encore sous-estimé. Trois millésimes parmi les plus rares et les plus anciens ont été adjugés : 1987, 1988 et 1989. A date, le plus vieux single malt connu, jamais embouteillé est un 1982 pour Yoichi et un 1986 pour Miyagikyo. C’est dire si ces années 1980 constituent pour Nikka une page d’histoire. Il y a donc une marge de manœuvre encore très importante pour ces deux distilleries notamment sur cette décennie, comme en atteste leur prise de valeur constante ces dernières années.
Du côté de Karuizawa, une fois n’est pas coutume. C’est un millésime 1981 (Karuizawa Cask#136) qui l’emporte sur un 1979 (Karuizawa Cask# 8187) même si le combat fut plus âpre sur le 1979. Quant au Hibiki 21 ans, l’intérêt du public pour ce blend japonais ne se dément pas d’une vente à une autre.
Modernes ou anciennes, les distilleries de l’île d’Islay qui ont parié au début des années 2000 sur la jeunesse de leurs malts, un fort niveau de PPM de tourbe et un fort degré, ont vu juste. Les amateurs de sensations fortes raffolent de ces éditions limitées extrêmes. Ce sont à la fois des opportunités de collections aux budgets encore accessibles et surtout des merveilles à déguster. De ce côté-là, Octomore, Ardbeg et Lagavulin tiennent leurs promesses et font un « carton plein » pour cette seconde édition de Fine Spirits Auction.
Autre monstre sacré de l’île d’Islay, Laphroaig ! Attendues, convoitées, les versions proposées se sont arrachées. Seule une expression est restée dans la tranche estimée de sa valeur. Les autres ont rapidement pris leur envol avec une superbe bataille pour le Laphroaig 27 ans, 1980, Oloroso Sherry Casks parti à 5 310 €. Une édition limitée à 972 bouteilles sortie en 2007 issue de l’assemblage de quelques ex-fûts de sherry de premier remplissage.
Malgré une sélection alléchante et des estimations conservatrices, les amateurs de tourbe ont quelque peu boudé la distillerie - star de l’île d’Islay. Contre toute attente, Port Ellen et ses « Diageo Release » n’ont pas trouvé acquéreur ou sont partis au plus bas. Une situation qui corrobore l’essoufflement dont la gamme est victime depuis 2015.
Depuis son lancement en 2001, Diageo est resté plus qu’évasif sur « la fin » des Port Ellen Releases, laissant penser que ses stocks étaient illimités malgré la fermeture de la distillerie en 1983. Au fil des ans et de l’augmentation des prix de ventes, le mythe Port Ellen, construit à la fin des années 1990 par les deux éditions Rare Malts Selection millésimées 1978, a perdu de son charme et de son efficacité. En l’absence de visibilité sur l’avenir ou plutôt la fin de cette gamme, les collectionneurs se sont démobilisés. En 2018, face à l’érosion perceptible de cet intérêt, Diageo a décidé pour la première fois en dix-sept ans d’interrompre le lancement de nouvelles Releases, et ce jusqu’à nouvel ordre. Serait-ce le moment d’investir ?
Cette seconde édition confirme l’intérêt pour la catégorie des rhums avec la percée de Caroni et Hampden. Pour ce qui est des rhums de tradition française, La Favorite, Depaz, JM et Clément confirment leur position. Seules deux distilleries n’ont pas trouvé acquéreur : Foursquare et Diplomatico, mais ce n’est qu’une question de temps. Si les enchères restent pour la majorité dans les estimations faites, elles ont tendance à se rapprocher des valeurs hautes.
Enfin, pour clore cette édition quelques embouteillages se sont particulièrement distingués :